Les bombardements que j’ai vécus
Le 11 mai 1944 à 18 H.30 exactement : deux quartiers de Stiring, Vieux-Stiring et Habsterdick furent violemment bombardés. Beaucoup de morts et blessés et des dégâts très importants.
Extrait d’une lettre de ma mère à mon frère Marcel :
Dans la nuit du 5 au 6 octobre 1944 : il est deux heures du matin. Je suis assise dans la cave à la lumière de la Karbidlampe (lampe à acétylène). A 8 H 15 (du soir) la sirène a hurlé la grande alerte. Papa n’était pas encore parti au puits Gargan pour son poste de nuit. Nous avons tous couru à la cave. Ensuite, ça a commencé. Une bombe après l’autre. Nos voisins Steffen nous ont rejoints par le trou de la cave. Cela a duré sans discontinuer jusqu’à 9 heures.
Enfin le silence ! Papa a dit : je dois partir maintenant. Nous pensions tous que c’était terminé.
Mais une demi-heure plus tard : recommencement. Nous étions à peine arrivés à la cave que la lumière s’est éteinte. Nos voisins Steffen ont apporté rapidement une bougie et ont allumé la Karbidlampe. Et ça a commencé. Jamais nous n’avions vécu une attaque aérienne aussi terrible. Elle a duré jusqu’à minuit. Une bombe après l’autre. Nous pensions que c’était la fin pour nous tous. Je ne sais pas encore si des bombes sont tombées à Stiring. Ce qui est certain, c’est que Sarrebruck a été démoli. Les pauvres gens ! On ne voit que des flammes et de la fumée. Je serais étonnée qu’il reste encore des maisons non démolies sur le territoire de la ville de Sarrebruck.
Demain, nous aurons plus d’informations. Nous ne monterons pas nous coucher. Maria et Joseph sont étendus tout habillés sur le canapé. A tout moment, il y a encore des explosions du côté de Sarrebruck.
Il faut savoir que nous habitions à 6 kilomètres du centre de Sarrebruck.
Extrait d’une lettre de mon père à Marcel :
6 octobre 1944. Comme te l’a relaté maman, nous avons vécu une nuit effroyable.
J’étais à peine arrivé au puits Gargan que la deuxième attaque a commencé. Tout le monde s’est précipité dans le Luftschutzraum (lieu de sécurité aéré). Nous pensions tous que notre vie allait s’arrêter là. La lune n’a plus donné de reflet. C’était terrible. Tout le firmament était dans les ténèbres. Encore maintenant, il est impossible de respirer sans une protection sur le visage, tellement il y a de poussière et de fumée.
La première attaque visait l’ensemble du territoire de la Sarre, particulièrement Merzig et Neunkirchen. La deuxième, la plus terrible, était pour Völklingen, Luisenthal, Burbach, Sarrebruck, etc.
Les dégâts sont pour le moment inestimables. Pauvre population !
A Völklingen, le gazomètre a explosé et deux hauts fourneaux ont été rasés. . .
Je me rappelle que le surlendemain nous avions à table à midi pour manger un potage consistant, un jeune français, soit prisonnier, soit STO et une jeune ukrainienne qui travaillaient à Burbach dans l’usine démolie et qui n’étaient plus nourris.
Extraits d’une lettre de mon père à Marcel datée du 10.10.1944 :
…Maintenant, je t’informe de ce que je sais sur Sarrebruck (le bombardement du 5 octobre 1944). Tout l’ouest de la rue Adolf-Hitler est à 100% débris et cendres. Celui qui n’a pas vu cela, peut difficilement s’en faire une image. Pour le moment plusieurs milliers de personnes travaillent au déblaiement dans les rues pour les rendre utilisables à la circulation. Beaucoup de morts et blessés se trouvent sous les maisons démolies…Rien que l’usine de Burbach nécessite une année de travaux de nettoyage et de rangement… Les victimes ne peuvent être comptées. On dit que pour le moment, on aurait déjà dégagé 1 100 morts et blessés….